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Lisez le livret
Leïla et Nicolas
Livret de l’opéra
avec les didascalies
© Essème Editions
Leïla et Nicolas N° ISBN : 978-2-4932249-58
1ère publication
Site : http://esseme-editions.fr
Mail : contact@esseme-editions.fr
Je dédie cet opéra à toutes celles qui désirent se libérer du voile sur leur tête, devenu le symbole du pouvoir des hommes sur elles.
MS
Couverture : Leïla et Nicolas
Leïla et Nicolas
Opéra
Personnages
Leïla et Yasmine, sœurs jumelles et étudiantes
Abdul, leur frère cadet étudiant
Le père
La mère
L’imam, grand ami de la famille et responsable de l’association caritative.
Nicolas, étudiant dans la même université que les jumelles et Abdul
Le patron du bar
Deux policiers
Un médecin
Le chœur
Livret de l’opéra
Ouverture
Dans le bar de l’université des étudiants discutent autour de tables basses. Lumières tamisées. Sont présents Nicolas, les sœurs jumelles, Leïla et Yasmine Haïdi et leur frère cadet Abdul.
ACTE 1
Tableau 1
Le patron du bar : Voici les bières
Des étudiants : Merci. Merci patron
Un étudiant C’est notre première tournée
Patron du bar C’est bien. Mais buvez avec modération
Un autre étudiant Oui ! Avec modération. Avec modération
Un étudiant Mais nous ne sommes pas des modérés. Ah non, pas des modérés.
Patron du bar Alors des excités ?
Des étudiants (rires) :Ah, ah, ah ! Nous ne pouvons pas être modérés avec ce que nous voyons autour de nous.
D’autres étudiants Nous voulons un monde meilleur
De l’avenir, nous n’avons pas peur
Toute la Terre est notre Terre
Notre patrie prioritaire.
Et nous allons manifester
Afin de tout réinventer :
Imaginons notre futur.
Patron du bar : Consolez-vous un jour vous aurez de l’ar- gent.
D’autres étudiants Aujourd’hui les étudiants sont plutôt pauvres.
D’autres étudiants Sauf ceux qui en reçoivent de papa-maman.
Progressivement un rythme musical d’ambiance apparaît. Il se précise de plus en plus et se colorie de rock and roll. Des étudiants se lancent sur une piste improvisée.
Un étudiant Pour le loyer
Les autres Il faut l’argent
Un étudiant Pour la cantine
Les autres Il faut le blé
Un étudiant Pour le transport
Les autres Il faut l’oseille
Un étudiant Pour les bouquins
Les autres Il faut du fric
Un étudiant Pour la tablette
Les autres Il faut des thunes
Un étudiant Pour le smartphone
Les autres Il faut du flouze
Un étudiant Et pour l’ordi
Les autres Il faut du pèze
Un étudiant Et pour finir
Les autres Quelques biffetons
Le rock and roll est installé. Nicolas invite Leïla à danser. Il la prend par la main.
Nicolas C’est pour nous, c’est notre danse
Leïla Je ne sais pas. Ah ! Pas de chance.
Nicolas Ne t’en fais pas je t’apprendrai
Leïla Ah ! Mon Dieu. Cela m’effraie
Nicolas Sois optimiste, allons en piste
Les étudiants battent des mains en rythme. Leïla et Nicolas dansent avec les autres. Elle est ravie. A un moment elle baisse son voile sur son cou et elle laisse flotter sa chevelure. Bientôt Yasmine l’imite.
Des étudiants Avec ton bac, tu n’as plus rien
Avec la fac, t’as pas grand-chose
Avec des claques tu te maintiens
Mais quand tu raques, c’est l’overdose.
D’autres étudiants Avec ton bac c’est l’équivoque
Tu bois ton bock et tu suffoques
Mais à la fac tu prends ta claque
Tu te transformes en Rastignac
Reprise du thème rock.
Un étudiant Pour le loyer
Les autres Il faut l’argent
Un étudiant Pour la cantine
Les autres Il faut le blé
Etc.... jusqu’à ..... « quelques biftons »
La danse s'arrête, les étudiants retournent à leur table. Leïla et Nicolas s'attardent au premier plan. La jeune fille n'a pas remis le voile sur sa tête. Ni Yasmine.
Nicolas Oh Leïla, puis-je te revoir après ce merveilleux moment ?
Leïla Je n’ose répondre. Je dois avoir la permission de mes parents.
C’est la règle à la maison.
Ensemble : Oui, la permission des parents
Ah ! la permission des parents
Nicolas Donne-moi au moins ton numéro de téléphone
Pour te joindre
Leïla Non. Je n’ose.
Nicolas Je n’en abuserai pas
Leïla Je suis surveillée
Nicolas Donne-le-moi discrètement. Ecris-le sur ce papier.
Leïla après un regard vers Abdul :
Un numéro ? Le voici !
Et fais-en bon usage.
Les deux sœurs et leur frère sortent. Nicolas s’écarte des autres étudiants et manifeste l’éveil de son émotion.
Nicolas Cette personne fait naître en moi
Un sentiment plein de mystère.
Quel est ce trouble et cet émoi
Si inconnus ? Et qui me serrent !
Nous étudions ici ensemble
Et je l’ai vue passer mille fois
Mais aujourd’hui, encore je tremble
De découvrir à peine sa voix.
Je veux la voir prochainement
Et lui parler avec franchise
De cet élan d’enchantement
D’un nouveau feu qui m’hypnotise.
Tableau 2
Dans la rue, les deux sœurs, tête découverte, marchent nonchalamment. Abdul en retrait.
Leïla Quelle belle soirée ! Quels beaux moments.
Yasmine Je n’ai qu’un mot : ravissement.
Leïla Et la musique si envoutante
Yasmine, (mettant sa main sur son cœur)
Encore ici elle m’enchante.
Leïla Le rock and roll est un remède
A la tristesse. Et puis l’on cède.
Yasmine Quand tu dansais tu étais belle.
On te voyait pousser des ailes
Leïla Et toi, ma sœur, ton beau sourire
A notre joie saura suffire
Abdul renfrogné marche en retrait.
Abdul Votre attitude est condamnable
Et pour Allah abominable.
Danser avec des mécréants
Vrai! Rien de plus inconvenant.
Enfin ôter votre parure,
Qui doit garder la tête pure,
Est le comble du péché.
Vous n’êtes que des débauchées !
Leïla Abdul mon frère, pourquoi la haine
Emplit ton cœur qui se déchaîne.
Nous sommes heureuses ! C’est donc si mal
De partager deux pas de bal ?
Abdul Ah ! Vous vous êtes dévoilées
Ah ! Vous vous êtes dévoyées
Le voile est un objet sacré
Et non objet de cabaret
Yasmine Ce voile léger nous pèse une tonne
Ce voile si pur nous emprisonne
Leïla Ce voile de soie nous met aux fers
Ce voile est digne de Lucifer.
Abdul Mes sœurs, je n’abuse de rien
Et je demeure votre gardien.
Et je dirai à notre père
Votre attitude si délétère
Yasmine Serais-tu juge, du vêtement
Que nous portons sans agrément ?
T’oblige-t-on à t’habiller
Avec un voile ou tablier ?
Leïla &Yasmine : Je vêts mon corps comme je l’entends
Et je m’habille maintenant
A la mode de mes confrères
Et pour lesquels je veux me plaire.
Abdul Mais notre père vous punira.
Yasmine Et notre mère nous défendra.
Abdul sort de scène. Leïla et Yasmine seules :
Leïla Mais pourquoi donc ce frère si tendre
A refusé de nous entendre ?
Il s’est drapé dans son orgueil
Il nous regarde d’un mauvais œil
Yasmine C’est le garçon et nous les filles
Il s’émancipe dans la famille.
Il vient d’avoir vingt-et un ans
Et il se croit plus important.
Il a reçu de notre père
Une médaille singulière.
On doit lui dire à l’avenir
Qu’il est le chef et le bénir.
Leïla Pour un cadet, il est bien mis !
Et nous les filles, valons demie.
Yasmine C’est le décret et la justice
De la maison consolatrice.
Leïla Jamais ! Jamais ! Et tu m’entends,
Je ne souffrirai tels tourments.
Je suis la fille de mon cher père
Au même titre que lui, mon frère.
Et la Nature dans sa bonté
Nous a fait naître dans l’équité.
Yasmine Tu sais combien, je suis complice.
Et si rétive à l’injustice.
Tableau 3
Les filles dans le salon. Entre le père excité, suivi de la mère bras tendus et suppliants et ensuite lentement Abdul avec nonchalance. Une scène en famille se prépare chez les Haidi.
Le père Abdul, que me racontes-tu ?
Mes filles se sont dévêtues !
Et en public ! Quelle déchéance !
Ont-elles perdu toute conscience ?
La mère Elles ont fait choir juste leur voile,
Tu montes la faute aux étoiles.
Le voile n’est pas un vêtement.
Juste un tissu de parement.
Le père Elles ont renié leur religion
Et pècheresses par contagion.
Ah ! Ce pays de mécréants
Ne connait pas ce qu’il répand.
S’adressant à ses filles.
Que dites-vous, filles indignes ?
Parlez au moins ! Faites-moi signe.
Ainsi vous vous dévergondez
Je suis ici pour vous guider.
Leïla Nous avons l’âge et la fierté
De prendre seules en société
La décision de nous vêtir
Sans, à toute heure, vous obéir.
Yasmine Et moi de même je suis complice
De sa parole qui vous hérisse
Mais qui nous rend tout à loisir
La liberté de nos désirs.
Le père Vos désirs sont sous mon contrôle
Et ne renversez pas les rôles.
C’est la religion qui commande
Sur ce sujet on ne marchande.
Si ses préceptes vous désolent
Je vous retire de l’école.
Yasmine Jamais ! Jamais Je ne saurai
Consentir à un tel méfait !
Leïla Jamais ! jamais je ne pourrai
Adhérer à un tel projet !
Le père Sortez, allez dans vos étages,
Ne faites pas plus de dommages
Les filles sortent. Il s’adresse à Abdul.
Abdul, mon fils, je t’ai trouvé
bien apathique en vérité
avec tes sœurs. Leur insolence
n’enlève pas ta différence.
Tu es un homme et tu te dois
devenir le chef après moi.
Et tu seras chef de famille
Bien au-dessus des rôles des filles.
La mère Le Moyen-âge est révolu.
Vis aujourd’hui, pour ton salut.
Le père invite Abdul à sortir afin de s’expliquer seul avec la mère.
Le père La Religion, elle, n’a pas d’âge.
Et l’ignorance en est le gage.
Trop d’instruction défie le ciel.
Trop de savoir, artificiel.
Mes filles n’iront plus en classe.
A la maison est leur vraie place.
La mère J’ai désiré grâce à l’école
Leur apporter une parole,
Emanciper leur condition
Dans une vraie éducation.
Le père J’ai eu grand tort de t’écouter
Et j’ai raison de regretter.
La fille doit rester chez soi
Et c’est dehors qu’elle déçoit.
L’imam sera de bon conseil.
Sa parole n’a pas son pareil.
Je parlerai en confiance
Car il possède la connaissance.
La mère L’imam n’est pas notre censeur
Ni ne décide qui est pécheur.
Je respecte notre croyance
Sans recourir à l’indulgence
D’un maître omnipotent
Sur nos actions. C’est irritant !
Mes filles auront tout le bien-être
Du pays qui les a vues naître.
Ce pays nous a accueillis.
Ne pense pas qu’il a failli.
Oui, nous aimons l’ancienne patrie.
Comme celle-ci, elle a son prix.
Mais notre bien choisit la France.
Nous y vivons en toute confiance.
Et pouvons croire en notre Dieu
Très librement et en tous lieux.
Jetons ce voile dans le désert,
Elle jette sur le canapé le voile qu’elle avait sur ses épaules.
C’est un symbole qui nous dessert
Le père Je ne suis pas ici par choix.
C’est encore l’histoire qui nous broie.
Comme les djinns[1], elle nous provoque.
Et comme eux, elle nous disloque.
Ce tissu est comme un drapeau
Que l’on garde contre sa peau.
Il nous rappelle d’anciennes luttes.
Il entretient les vielles disputes.
La mère Arrêtons ce jeu politique
Et voyons notre vie pratique
Tu te sers de la religion
Comme une revanche à l’oppression.
Les djinns ! Ces êtres malfaisants
Sont d’un autre âge, morts à présent.
Ne pourrait-on pas oublier ?
Et enfin nous réconcilier ?
Le père Non ! ils sont encore dans nos cœurs.
Créant la haine et la rancœur
Notre peuple a la mémoire.
De ce temps comme une nuit noire.
Oui ! La France fut djinn, et plus.
écrasant tout dans un rictus.
Elle a volé notre richesse
Profitant de notre faiblesse.
Un grand poète[2] les a décrits.
J’entends encore leurs affreux cris.
La mère La France est dans une autre histoire.
Finissons-en avec cette gloire !
Hier, c’était hier ! La liberté,
Enfin acquise, a trop coûté.
Et sans doute c’était la guerre,
Mais c’était la guerre de nos pères.
Et aujourd’hui, les malfaisants
Sont les soldats d’un dieu sanglant.
Ils disent venger les vieilles rancunes
en se servant de sa tribune.
Le djinn redevient religieux
Pour se venger et croire aux cieux.
Ouvre les yeux sur les massacres.
Les morts ne sont pas simulacres.
C’est le djihad, le djinn du jour.
Et nous savons qu’il rode autour.
Les lumière baissent et le noir s’installe doucement
Le père Ecoute encor.
Le djinn nous mord ! :
Fin du premier acte
ACTE 2
Tableau 1
Scène dans un entrepôt avec des étagères chargées de produits pour l’association caritative. On peut lire « Secours croissant rouge ». Des bénévoles s’affairent vers l’arrière autour de tables. On reconnait le père et la mère de Leïla, son frère Abdul. Les jumelles sont sur le devant de la scène.
Leïla Viens. Nicolas m’a appelé
Et clairement m’a révélé
Ses sentiments avec emphase.
Je perçois son cœur qui s’embrase.
Un intérêt qui s’apparente
A une fièvre impressionnante.
Pour parler vrai c’est de l’amour.
Si je l’appelle, sûr, il accourt.
Yasmine Et toi ? Comment la juges-tu,
cette nouvelle si impromptue ?
Crois-tu vraiment à cette flamme
qui s’apparente à un vrai drame ?
Leïla Il est certain qu’une amitié
En moi s’éveille sans me soucier
ni de drame ni de conséquence.
Je ne requiers que sa confiance.
Yasmine Peut-être aussi le sentiment
Qui le bouscule intensément
Te touche aussi en toute ton âme ?
Et sans le dire, tu le réclames.
Leïla Oh, ta parole me réconforte
Elle m’apaise et elle transporte
Un cœur en quête de sentiment
Que je n’osais dire vraiment.
Et au bonheur que tu me donnes
Ma sœur, mon être s’abandonne.
Je voudrais tant qu’il soit ici
Et qu’à ma joie il s’associe.
Yasmine Appelons-le par téléphone
Car son désir au tien résonne.
A ton appel, il répondra
Et j’en suis sûre, oui, il viendra
Leïla Qu’allons-nous dire à notre père
De cette visite si singulière ?
Yasmine Il sera là pour nous aider
Et sûrement pas pour bavarder.
Leïla Déjà je tremble de sa présence
Que je désire avec conscience
Mais j’appréhende l’irritation
D’un père violent pour cette action.
Yasmine Soyons complices pour nous défendre
Il finira par nous comprendre.
Leïla Je ne crois pas en ce miracle
Il ne raisonne que par oracles
Que lui déverse la religion
De sa natale et fière région.
Yasmine Notre mère nous protègera
Contre elle personne nous jugera.
La force aussi est chez les femmes
Et ne crois pas qu’elles manquent d’âme.
Leïla C’est par les femmes assurément
Que, dans ce culte qui nous ment
On changera la vielle croyance
De voir les filles mises au silence.
Yasmine Allons téléphoner.
Tableau 2
Les premiers pauvres entrent dans la file. On contrôle une fiche et ils vont vers la table où ils peuvent prendre un sac avec des produits de première nécessité.
L’imam Faisons entrer nos pauvres ici
Soulageons leur premier souci.
Commençons par la nourriture
Nécessité de la nature
Le père Prenez la file et suivez-la
Nous sommes des serviteurs d’Allah
Les bénévoles sont au service
De votre unique bénéfice.
Le père et l’imam Vers cette table, aucun tarif.
Ne prenez pas cet air plaintif.
Il vous suffit de prier Dieu
Allah le grand, le généreux
Pendant la marche des pauvres Nicolas apparaît au bord de la scène. Il parle avec les jumelles puis avec l’imam. Celui-ci le dirige vers une table. Abdul le désigne à son père comme le garçon qui a dansé avec Leïla. Le père s’approche de Nicolas.
Le père Bonjour, jeune homme. Je félicite
Votre énergie et le mérite
Qui vous revient, en nous aidant.
Je dois vous parler cependant.
Nicolas : Je vous écoute
Le père Vous étudiez dans une école
Prestigieuse en métropole
Où étudient mes trois enfants.
Que vous voyez communément.
Nicolas Oui
Le père Votre intérêt et l’insistance
Que vous portez, avec la danse,
A inviter ma fille Leïla,
M’ont offensé. Restons-en là.
Nicolas Offensé ?
Le père Et même plus ! Votre inconscience
La pousse vers la déchéance.
La danse est un grand péché
C’est une pratique de débauchés
Nicolas C’est une pratique assez courante
Chez la jeunesse et qui enchante.
Leïla et moi avons dansé
Innocemment, sans vile pensée
Le père Elle a ôté toute décence
Se dévoilant sans réticence
Devant les autres et à vos yeux.
Mais pour le ciel c’est injurieux.
Nicolas Nous sommes adultes et à notre âge
Savons choisir dans vos messages.
Elle ôte son voile, elle le veut bien.
Votre discours n’y change rien.
Le père Je suis le guide de la famille
Et c’est par moi qu’en elle tout brille.
Allah inspire mes décisions
Selon la juste religion.
Nicolas Elle apprendra dans notre école
A mesurer votre parole
Trop rigoureuse et trop forcée
Pour une plus juste pensée.
Le père La loi, c’est Dieu qui nous la donne
Et le pêcheur qui l’abandonne
Sera puni, et dans son corps
Et son esprit, car il a tort.
Mes filles sont sur une pente
Qui pour le ciel est trop choquante.
Elles resteront à la maison
Où elles verront leur horizon.
Nicolas : Donc, vous les retirez de l’université
Le père Elles y bénéficient de trop de liberté.
Nicolas La liberté grandit
l’intelligence de l’homme.
Le père Si c’est contre le ciel,
restons comme nous sommes.
L’intelligence grandit
la critique de Dieu
Partez ! vous vous croyez
plus grand et prodigieux !
Ne vous approchez pas
de mes filles intouchables
C’est moi qui les marie
et les rend désirables.
L’imam s’approche des deux hommes mais Nicolas s’éloigne. L’imam discute avec le père. Nicolas, plus à l’écart se lamente.
Verrai-je un jour ma chère Leïla
Qui de mon cœur en fait l’éclat ?
Restera-t-elle dans sa demeure ?
Car dans la mienne, mon âme pleure.
Son dieu me vole la juste joie
Qu’il enterre et vraiment la noie.
Resterai-je sans voix rebelle
Devant ce mur de citadelle.
J’irai la voir et la ravir
Si elle veut bien y consentir.
Tableau 3
L’imam et le père s’approchent de Nicolas.
L’imam Merci de l’aide que vous donnez
Pour des personnes moins fortunées.
Vous achetez votre espérance
Dans le ciel de la Providence
Et vous serez récompensé
Par notre Dieu et nos pensées
Il vous rendra cent mille fois
Ce que vous faites avec la foi.
Nicolas Plus qu’au Très-Haut, je crois en l’homme
Il est proche de ce que nous sommes.
Avant de voir un fils de Dieu
Je vois l’humain si besogneux.
A telle enseigne, il me ressemble
Et si semblable qu’encore j’en tremble.
Dieu est si bien là-haut, au ciel
Qu’il ne pense pas à l’essentiel.
L’imam Nous avons mis notre existence
Dans le contrat de notre alliance
Avec le Dieu qui nous défend
De l’ennemi qui nous pourfend.
Allah est grand. C’est le seul Dieu,
Allah Akbar, le victorieux.
Personne ne peut nous dominer
Nos armes sont prédestinées
Nicolas Oh dieux d’angoisse.
Je pensais que l’humain dans sa grande sagesse
Avait mis dans une boîte le ciel et tous ses dieux,
Dieux uniques et trop justes, ou multiples et trop vieux,
Et qu’il avait enfin gagné sa vraie noblesse.
Mais il aime rester prisonnier de ses mythes
Qui éloignent la crainte et l’effort de penser.
Or ces sages esprits se sentent offensés
Du moindre froissement à leurs rigoureux rites.
La foi a disparu. La religion l’emporte.
L’humaine tolérance meurt. Elle est déjà morte.
Le dieu que l’on chérit brandit une sauvage
bannière. Il bénit la main qui devrait absoudre
mais qui, en son nom, tue plus vite que la poudre.
Mon Dieu, délivrez-nous de ces dieux qu’on engage.
L’imam Mais vous blasphémez !
Oh ! Quel outrage !
Quel scandale !
Je vous demande de partir
Le père et Abdul semblent aussi scandalisés. Nicolas sort seul. Il a le temps de dire à Leïla
Je t’appellerai rapidement
Fin du deuxième acte
ACTE 3
Tableau 1
Leïla seule se lamente parce que son père ne veut plus qu’elle aille à l’université. Elle marche dans la rue.
Leïla Pourquoi ce père qui, c’est sûr, m’aime
Ne se rend compte du mal qu’il sème
Dans une famille pourtant unie.
Il nous met tous à l’agonie.
A vouloir trop écouter Dieu
Il oublie l’homme. C’est orgueilleux.
Peut-être a-t-il trop de faiblesse
Devant l’imam qui nous oppresse.
Et nous les filles, sommes désolées
De nous voir presque emprisonnées.
La religion comprend la femme
Comme origine de tous les drames.
Ainsi mon père veut-il m’exclure
De mon école, et il m’assure
Une vie recluse, un bon mari
Qui lui parait un bon parti.
Que lui importe mon jugement ?
Lui seul connait parfaitement
Ce qu’il doit faire de ma personne
Et de mon cœur qui s’abandonne.
Sache, mon père, que j’ai appris
A reconnaitre le juste prix
De mon amour et ma jeunesse.
Oui, ce sont là toutes mes richesses.
Je ne suivrai pas tes commandements.
Pour ma liberté et mes sentiments.
Arrivée au pied d’un immeuble, elle appelle Nicolas qui l’attend et la guette par la fenêtre. Elle lui fait signe. Il descend. Ils marchent côte à côte. Dans la rue, décor bucolique, verdure
Nicolas Je viens souvent me promener
Dans ce décor, et pour flâner.
Il me ravit et il m’apaise.
Je peux rêver tout à mon aise
Leïla Le bois est proche, c’est l’avantage
De pouvoir fuir les bavardages
Inutiles et sentencieux
De ma famille et mon milieu.
Nicolas Tu es venue à mon appel
Et cet espace presque irréel
Remplit de joie un cœur avide
De sentiments, mais trop timide.
Leïla Ne reste pas si réservé.
A deux l’on peut se retrouver
Car j’ai pour toi la même flamme
Qui, pour ma vie, brûle en ton âme.
Nicolas Oh Leïla. Eveille-moi !
Je suis en rêve. Et cet émoi
N’est que rosée qui s’évapore.
Et partira après l’aurore.
Leïla Non ! Aucun rêve ne te retient.
Je suis ici, tu le sais bien.
Car c’est l’amour qui nous console
Très au-delà de la parole.
Nicolas Tu es sincère et je le crois.
Mais je le sais, tu es la proie
D’autres projets de ta famille
Qu’on prédestine à toute fille.
Leïla On ne dirige pas ma vie
Sans qu’on m’en demande l’avis.
Non ! tu m’entends, je vis en France
Et j’en attends la récompense.
Nicolas Je soutiendrai ta liberté
Et serai ferme à tes côtés.
Je te vois forte, c’est ta noblesse.
Je crois vraiment en ta promesse.
Leïla Si tu le veux tu seras mien.
Tu peux compter sur mon soutien.
Tu as ma foi et ma confiance
En réciproque intelligence.
Nicolas Merci Leïla de ton amour
Tu as le mien, en vrai retour.
Nous serons forts tous deux ensemble
C’est notre foi qui nous rassemble.
Ils s’embrassent. Abdul, le frère assiste à la scène et reste caché
Leïla Je vais parler à mes parents
De notre amour si surprenant.
J’attends l’accord et leur confiance
Car je les aime en bienveillance.
Nicolas Je crains ton père cependant
Il semble peu accommodant.
Leïla Oui en effet. Pourtant j’espère
En la parole de notre mère.
Nicolas Va et reviens avec de bonnes nouvelles
Ils s’éloignent en se faisant des signes d’affection avec leurs mains.
Tableau 2
Repas en famille réunie. Sont présents le père, la mère et leurs trois enfants.
Le père Notre mission de bienfaisance
Donne à nos pauvres leur subsistance.
Le travail qui a été fait
Leur a fourni de grands bienfaits.
Je dois te faire une demande
Leïla, car ma peine est grande.
Ce beau jeune homme qui a aidé,
Que tu as pris en aparté
Est mécréant, n’est pas des nôtres.
Il est venu en faux apôtre.
Leïla Père, je désire, en bonne fille
Te dire l’amour à la famille
Que je cultive depuis toujours.
Mais aujourd’hui, et sans détour
Je dois parler d’une autre flamme
Que je chéris et me tient l’âme.
J’ai l’âge, mon père, de caresser
Des sentiments intéressés
Et personnels, lesquels animent
Mon jeune cœur et que j’estime.
Le père A qui s’adressent ces sentiments ?
Leïla Tu l’as vu, ce matin, à l’entrepôt.
Le père Est-ce ce garçon mystérieux
Qui est venu libre et curieux
Nous apporter son aide précieuse
Par tes méthodes fort malicieuses ?
Leïla C’est lui !
Le père Malgré tous mes remerciements
Il ne m’inspire pas vraiment.
Il n’a pas l’âme religieuse
Et ses méthodes ne sont pas pieuses
Leïla La religion n’a aucun cours
Quand il s’agit d’un juste amour.
Je suis croyante autant que vous
Laissez-moi libre d’avoir mes goûts.
Le père Tu es encore sous mon contrôle
Ta vie repose sur mes épaules.
Tu n’es que fille, et souviens-toi
Que tu résides sous mon toit.
Leïla Je veux vraiment rester encor
Avec vous tous et en accord.
Mais, dois-je donc pour être libre
Chercher ailleurs mon équilibre ?
Le père Ailleurs ? Libre ? Voilà des mots
Qui véhiculent de sombres maux !
La liberté, vaine parole
qui nous parvient de ton école !
Leïla Je te demande un grand respect
De ce qui te semble suspect
L’éducation structure notre âme
Et c’est sans elle que tout est drame.
Le père avec véhémence
Je n’ai que faire de ta leçon
Encore moins de la façon.
L’éducation que je te donne
Est celle d’un père et c’est la bonne.
La mère La mère aussi a tous ses droits
Dans les conseils et ce débat.
Mes filles sont aussi capables
Que tout garçon. C’est équitable.
Le père La hiérarchie que Dieu a mise
Entre les hommes, ne se divise.
C’est son vouloir, les hommes sont maîtres
Sur cette Terre, sur tous les êtres.
Leïla Je n’en peux plus, de ces discours
D’un père trop fier, d’un père trop sourd.
Cette famille que toujours j’aime
Me jette encore son anathème.
Le père, la mère et Leïla chantent chacun leur couplet. Leïla manifeste sa colère en poussant le père avec fougue. Le père se défend. Cette altercation se fait sans violence ni d’une part ni de l’autre. Puis Leïla s’échappe et sort en pleurant.
Abdul Cette famille est désunie
Par un garçon dont le génie
Nous veut du mal et nous méprise.
Et dont Leïla est fort éprise.
Yasmine Non ! Nicolas nous veut du bien.
Et à ma sœur son cœur convient.
Il est loyal. Son âme est claire.
Et son esprit est sans mystère.
Le père Ma fille ne peut aimer un homme
Sans que j’approuve et je le nomme.
Il est d’ailleurs peu religieux
Et bien loin de notre milieu.
La mère Tout ce pouvoir n’a aucune âme.
C’est à sa vie, c’est à sa flamme
Qu’il faut penser. C’est notre enfant
Mais une adulte maintenant.
Abdul Je vais donner la correction
A ce garçon de perdition.
Il doit souffrir, il le mérite.
La religion nous y incite
La mère et Yasmine, cherchant à le retenir :
Non ! Non !
La mère Abdul, mon fils, n’aggrave pas
Un drame qui ne justifie pas
Ce dépit et cette colère.
S’il te plaît, écoute ta mère.
Abdul En qualité de fils aîné
J’aide mon père aux destinées
De la famille. Ce badinage
irréligieux est un outrage.
Je vais le punir !
La mère et Yasmine, cherchant à le retenir : Non ! Non !
Abdul sort.
Tableau 3
Changement de décor : Leïla marche dans la rue et se lamente. Non loin derrière elle, Abdul accompagné de trois amis se cache et la suit. La jeune fille s’arrête devant l’immeuble où habite Nicolas. Elle l’appelle au téléphone. Le jeune homme descend rapidement. Ils sont au pied de l’immeuble.
Nicolas As-tu parlé à tes parents
De cet amour qui nous surprend ?
M’apportes-tu de bonnes nouvelles?
Pour apaiser cette querelle.
Je te vois très agitée
Leïla J’ai surtout parlé à mon père.
A notre amour, il est contraire.
Il est fidèle aux traditions
Qu’impose notre religion.
Nicolas Pourquoi autant d’intransigeance
Pour un amour sans conséquence ?
Cette religion règle l’amour
Comme un programme comme un discours !
Leïla Tu as raison, mais c’est pourtant
La dure loi qui nous attend.
Et je me sens la prisonnière
D’une famille que je vénère.
Mon père m’a dit qu’il choisira
Un homme auquel il confiera
Ma destinée sur cette Terre
Il se croit mon propriétaire.
Je l’ai poussé avec fureur
Manifestant l’intime ardeur
D’une sincère opposition
A ses ordres et ses injonctions.
Et je me suis sauvée en pleurant.
Nicolas Ta révolte est compréhensible
Et crois-mois, j’y suis très sensible
Mais il nous faut trouver la paix
De ta famille et son respect.
Va dire à tous tes sentiments
que je partage en ce moment.
L’amour transcende la croyance
Si elle y mêle la bienveillance.
Leïla Ta voix est douce à mes oreilles
Et à nouveau elle me conseille.
De revenir à la maison
Pour y trouver d’autres raisons
Nicolas Va je t’aime
Leïla Moi aussi
Ils s’embrassent. C’est alors que les quatre amis sortent de l’ombre et se précipitent sur Nicolas. Ils le frappent
Nicolas Ah ! Ah ! Infâmes traîtres
Leïla Non ! Non ! arrêtez, arrêtez !
Nicolas tombe à terre. Les autres continuent de le frapper. Leïla s’interpose. Abdul la saisit à la taille et l’éloigne du groupe pour permettre aux deux autres de continuer de frapper. Des personnes aux fenêtres voient la scène. Nicolas ne bouge plus.
Abdul Bien ! Rentrons maintenant.
La famille nous attend
Leïla Il est blessé à mort, je dois le secourir. C’est mon devoir et ton forfait!
Abdul la tire par la main. Elle se dégage. Voyant les personnes aux fenêtres il dit à ses amis :
Allons-nous-en ! Il a payé son insolence et son audace!
Ils partent. Ne restent sur scène que Leïla et Nicolas allongé. Elle s’assied à terre et elle le prend sur ses genoux. Vision comme une pietà.
Duo musical langoureux au milieu des souffrances de l’un et la ferveur amoureuse de l’autre.
Nicolas Faut-il tant souffrir pour aimer ?
Qui veut ainsi nous abîmer ?
Je t’attendais avec délice
Et l’on me met en grand supplice.
Leïla Mon frère s’érige en bras vengeur
D’un dieu aveugle aux goûts rageurs.
Pour tous les deux, l’amour n’est rien
S’il n’est béni, s’il est païen.
Nicolas Oh ma Leïla, tu as fait naître
En moi un feu qui me pénètre
Qui m’apaise et qui m’assouvit
Mais il est tard. Je perds la vie.
Leïla Oh que dis-tu ? Eveille-toi !
Ecoute encore un peu ma voix.
Tu ne peux rester en silence.
Notre amour est ta seule défense.
Parle-moi
Nicolas Oui. Je t’aime.
Nicolas penche sa tête et il perd connaissance. Des lumières bleues d’ambulance sont visibles. Deux infirmiers et un médecin arrivent avec un brancard. Ils auscultent Nicolas.
Le médecin Il respire encore.
Leïla Merci, mon Dieu !
Nicolas est emmené. Leïla essaie de suivre le brancard mais les médecins lui font signe de rester. Elle ne peut rien faire. Elle rentre à la maison.
Tableau 4
Dans l’appartement où l’on retrouve le père la mère et Yasmine. L’imam arrive.
Le père Bonjour imam, merci encor
De désarmer nos désaccords.
Vous êtes venu à mon appel
Pour vos conseil providentiels.
Ma fille qui va dans une école
Dont les matières sont si frivoles
S’est entichée d’un inconnu.
Elle est encore si ingénue.
L’imam Oui en effet.
Le père Elle a osé aller danser
Avec ce jeune homme insensé
L’imam Oh ! C’est interdit.
Le père Elle a de plus ôté son voile
D’une façon fort immorale
L’imam Oh ! quel scandale devant Dieu.
Le père J’ai donc appris tous ses péchés
D’Abdul, mon fils qui s’est fâché
L’imam Il a eu raison !
Le père J’ai décidé de retirer
Mes deux enfants peu inspirées
De l’université perverse
Où tout péché et mal s’exercent.
L’imam Vous avez raison !
La mère Jamais je ne tolèrerai
Un tel affront. Je me battrai
Pour mes deux filles et leur école.
Les hommes n’ont pas le monopole
De conserver tout le savoir
Pour confirmer tout leur pouvoir.
L’imam La femme doit se soumettre à l’homme !
La mère L’école sera leur renaissance
Pour refouler toute allégeance
Aux hommes qui croient aux vérités
Qui servent seules leurs intérêts.
L’imam L’ignorance est souvent vertu !
La mère L’école est libératrice
Le seul chemin vers la justice
Jamais mes filles ne se plieront
A vos antiques injonctions.
Le père et l’imam C’est une rébellion !
La mère Et puis enfin, laissez l’amour
Choisir sa voie, choisir son cours
Sans y mêler votre influence.
Accordez leur l’indépendance.
L’imam C’est la religion seule qui commande !
La mère Chacun choisit sa propre foi
Dieu me la donne et c’est mon droit.
La religion n’a rien à faire
Dans la gestion de nos affaires.
L’imam Oh ! La voix me manque.
La mère Je ne sais pas pourquoi vous êtes ici.
Elle enlève le voile qui lui couvrait la tête.
Enfin ce voile n’est que discorde
Dans ce pays qui nous accorde
La paix et la tranquillité
De vivre en toute liberté.
L’imam est interloqué.
Tableau 5
Toujours dans l’appartement. Abdul rentre tout agité.
Abdul Voilà c’est fait. La punition
Est à hauteur de ses actions.
Il a reçu une bastonnade
A l’occasion d’une embuscade.
Très rapidement arrive aussi Leïla. Elle est mal en point, échevelée, sa robe froissée et déchirée par endroits. Elle va vers sa mère. Yasmine s’y joint. Les trois femmes forment un groupe uni. Les trois hommes sont de l’autre côté de la table en opposition.
Leïla Ils l’ont laissé à demi-mort
Sans un secours sans réconfort.
Sa tête était ensanglantée.
Les médecins l’ont transporté
A l’hôpital, en toute hâte.
Survivra-t-il aux coups de batte ?
Ils m’ont traitée en prisonnière
Comme un objet, une étrangère.
Elle éclate en sanglots
La mère Ma pauvre fille viens dans mes bras
Te voilà prise d’un embarras
Qui te fait mal et nous concerne
Et à la fois il nous consterne.
La mère, s’adressant à Abdul
Par quelle audace tu t’autorises
Une injustice si mal acquise ?
Ne joue donc pas au petit roi
Ni ne sois fier de ton exploit.
Abdul J’ai défendu avec estime
L’honneur et la loi légitime.
J’ai corrigé le mécréant
Qui nous corrompt cyniquement.
Le père Abdul, mon fils, tu peux défendre
L’honneur des filles sans entreprendre
De si violents agissements.
A l’avenir sois plus prudent.
La mère, s’adressant au père
Tu lui pardonnes ce méfait
Et il a l’air si satisfait !
Où est la voie de bienveillance
Que nous apprend notre croyance ?
En désignant les trois hommes.
Vous vous croyez irréprochables
Si vertueux et impeccables
Attachés à vos convictions
Que vous perdez toute vision
Elémentaire et familiale
Jusqu’aux rapports de vie sociale.
Vous préférez suivre la loi
Plutôt que voir le désarroi
De vos enfants et la famille
Et surtout celui de vos filles.
On entend qu’on frappe à la porte et entrent deux policiers.
Un policier C’est ici qu’habite Abdul Haidi ?
Le père Oui. C’est mon fils. Le voici.
Un policier Il est accusé de coups et blessures.
Et peut-être de meurtre.
Le père et la mère : De meurtre ?
Un policier Il a été vu avec d’autres personnes
Frapper gravement
Un garçon de son âge
Il doit venir au commissariat.
Répondre de ses actes.
Leïla Nicolas est-il mort ?
Quand je l’ai quitté il respirait encore.
Le policier Il est décédé lors de son transport à l’hôpital.
Leïla Ah ! Mon Dieu.
Elle éclate en sanglots et elle cherche refuge dans les bras de sa mère.
La mère Quelle catastrophe !
Le père Mon fils, ira-t-il en prison ?
Un policier Je ne sais pas
Il sera jugé pour cela.
Les policiers emmènent Abdul qui n’oppose pas de résistance. Consternation de tous.
La mère Quelle catastrophe !
Leïla s’écarte et laisse éclater sa tristesse
Leïla Je ne puis croire Nicolas mort.
Mon cœur s’arrête, ma vie s’envole.
Je n’aurai plus de réconfort.
Ce drame m’enlève toute parole.
Il a tué la seule joie
Qui demandait à embellir.
A peine connu, l’amour s’en va
Ma jeunesse meurt avec lui
Un avenir s’ouvrait à moi
Un grand désir de bienveillance.
Et me voilà en désarroi,
Victime de l’intransigeance.
S’adressant à sa mère
Tu as connu un grand amour
Ma mère. Comprends ta pauvre fille
Car elle t’appelle à son secours.
Mes forcent ploient, mon cœur vacille.
La mère Tu peux toujours compter sur moi.
Sois forte.
Leïla, s’adressant à ses parents
Mon père, ma mère, je suis blessée
De ce procès et offensée
Par la famille et tous ces drames
Surtout menés contre les femmes.
Le père Je t’interdis de parler ainsi
Leïla en pointant du doigt son père et l’imam
Abdul n’est pas le criminel
Il manque encore de sens réel
Les vrais auteurs de l’affreux crime
Sont devant moi. Il est victime.
Le père Je t’interdis de parler ainsi.
Leïla Vous lui avez armé le bras
De religion et de fatras.
L’encourageant dans son ivresse
Et abusant de sa faiblesse
Le père Je t’interdis de parler ainsi.
Leïla Ma religion est moins amère
Elle m’est plus proche et moins guerrière
Je pars d’ici pour habiter
Un logement moins tourmenté.
Le père Je t’interdis. Tu resteras sous ce toit
C’est moi qui m’occupe de toi.
Leïla Je ne veux plus vivre ici. Je pars.
Le père Tu es une femme sous ma protection.
Je t’interdis de quitter la maison.
La mère, s’adressant au père
Ton interdit n’est pas de mise
Et c’est la mère qui l’autorise.
Pour nos enfants, nous, les parents
Sommes égaux à tout moment.
La mère à Leïla
Ma fille, mon cœur est avec toi
Tu garderas toute ma foi.
Leïla Adieu.
Elle s’apprête à sortir, Yasmine la retient
Yasmine Je te suis ma sœur. Attends -moi
Nous vivrons sous le même toit.
Aussi je quitte ce foyer
Nous partagerons le loyer.
La mère attristée Oh, ma fille tu pars aussi !
Quel malheur s’abat ici !
Ma douleur est sans limite
Et ma vie sera maudite.
Les jeunes filles sortent ensemble. Puis la mère. Ne restent sur scène que les deux hommes qui se dévisagent. Le père est consterné. Après un temps...
Le père Imam, imam, qu’avons-nous fait ?
Où sont ainsi tous les bienfaits
Que nous promet la religion
Selon votre prédication ?
Je vois ce jour partir mes filles,
Qui sont les perles de ma famille.
Je vois ma femme me mépriser,
Abasourdi, paralysé.
Enfin je vois mon fils finir
Dans une prison, sans avenir !
Dieu, a-t-il voulu tout cela ?
C’est donc cela le don d’Allah ?
Allez, imam, laissez-moi seul,
A déplorer mon esprit veule.
L’imam sort. Ne reste que le père consterné, face au public.
Les lumières baissent jusqu’à rendre la scène complètement noire.
Fin du troisième acte
Rideau